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Il aura fallu du temps pour comprendre ce qu’est le Grand Paris. Pendant des années, la locution ne semblait guère désigner autre chose que le gigantesque réseau de transport qui allait restructurer l’Ile-de-France, ces quatre lignes qui ceinturent désormais la capitale et les 68 gares qu’elles doivent desservir d’ici à 2030. Le reste était flou, et pour cause : depuis son lancement au début des années 2000, l’objet du projet n’a cessé de muter. Imaginé à l’origine par la région Ile-de-France et la Mairie de Paris, sous mandat socialiste toutes les deux, il visait à rééquilibrer l’activité au profit des communes de l’Est et à engager le territoire francilien dans la transition énergétique.
Nicolas Sarkozy s’en empare en 2007, une fois élu président de la République. Il veut en faire un levier pour attirer les flux de capitaux dans le cadre de la compétition entre les villes à l’échelle mondiale. Mais c’est sous François Hollande que le projet se matérialise, avec la création en 2016 de la Métropole du Grand Paris. Le contexte est bien différent de celui qui l’a vu naître, comme le montrent la géographe Anne Clerval et la journaliste Laura Wojcik dans Les Naufragés du Grand Paris Express (La Découverte, 256 pages, 20,50 euros).
La crise des subprimes est passée par là, les finances publiques sont à sec, l’immobilier est en train de devenir un placement spéculatif ; le Parti communiste cède l’un après l’autre ses bastions à des équipes issues de la droite ou d’une gauche en paix avec l’économie de marché ; les nouveaux échelons administratifs que sont la métropole et les établissements publics territoriaux de coopération intercommunale (par exemple Est Ensemble et Plaine Commune, en Seine-Saint-Denis) favorisent les logiques politiciennes et grippent la représentativité populaire dans la prise de décision.
Ces facteurs vont contribuer à faire du Grand Paris ce magma qu’on voit prendre forme depuis quelques années : 182 « morceaux de ville » qui ont poussé aux abords des gares, selon l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR), surtout à l’est de la capitale, dans les quartiers les plus pauvres. Le prix du foncier y étant initialement plus bas qu’ailleurs, les perspectives de valorisation y étaient plus fortes.
Construction de dizaines de milliers de logements, principalement privés, implantation d’une nouvelle population dotée d’un pouvoir d’achat supérieur à celui de la population locale qui va appeler de nouveaux commerces, de nouvelles activités, qui appelleront à leur tour de nouveaux projets immobiliers… La perspective de voir ces quartiers directement connectés à Paris et à toute la banlieue nourrit une dynamique de gentrification d’une intensité inédite en France.
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